Entretien avec Sylvain RULLIER, musicien.
Qu’as-tu pensé du projet « En Routine » la première fois que tu en as entendu parler ?
J’ai trouvé l’idée à la fois audacieuse et farfelue, mais intéressante ! Et j’avoue avoir été très curieux du résultat que cela pouvait donner.
Un hôpital qui chante sur l’air de « Libertine »… tu en penses quoi ?
Je trouve ça génial, très original et très courageux ! On n’est pas du tout dans le cliché du fantasme de l’infirmière aguicheuse. C’est très fin et plein d’humour, et avec un gros clin d’œil au clip original.
« La Musique nous rassemble et nous touche tous. »
La musique est ton métier, ce n’est pas le nôtre à l’hôpital : quel est ton avis (bienveillant !) sur la qualité de notre travail ?
Je suis sincèrement très admiratif du travail du personnel hospitalier. Ce n’est pas leur univers professionnel et pourtant ils ont réalisé quelque chose de nouveau, de décalé, d’osé mais avec beaucoup de finesse. Le jeu d’acteur des soignants est ce qui m’a le plus impressionné. Tout le monde joue de manière authentique et a mis tout son cœur dans ce projet. Cela se voit, et c’est très agréable.
Tu es venu en studio pour interpréter la musique du générique de fin. C’est un morceau que tu as adapté, peux-tu nous expliquer comment tu as travaillé ?
J’ai l’habitude d’improviser et j’adore ça ! Au studio d’enregistrement, je ne savais toujours pas ce que j’allais jouer exactement. J’essaie de faire le vide dans ma tête, de me concentrer uniquement sur l’accompagnement, d’écouter les subtilités (les changements de tonalités, les changements de structure rythmique…) et c’est parti ! Après quelques essais sur mon violoncelle, la mélodie vient très rapidement.
J’essaie de m’enregistrer un maximum pour analyser ce que je peux changer ou améliorer. Quand je suis vraiment très satisfait de mon improvisation, je l’écris pour que ce soit plus précis.
Ce n’est pas tout à fait le même travail que le compositeur, qui lui, part de zéro. Je suis très admiratif des compositeurs et de leur pouvoir créatif.
As-tu déjà eu l’occasion de travailler sur une musique de film ? Quelle est la différence par rapport à un concert ?
En tant qu’interprète, j’ai participé, plus jeune, à de nombreux ciné-concerts comme violoniste. Cela m’a énormément apporté sur beaucoup de points. On voit la musique de manière différente, on comprend mieux les effets sonores et toutes les possibilités techniques réalisables sur son instrument pour réussir à coller un son à une image. C’est très intéressant car cela demande encore plus d’exigence et de rigueur que lors d’un concert “normal”. J’ai également enregistré la musique d’un court-métrage avec les trois instruments (violon, alto et violoncelle) mais sans voir le film avant. C’est une autre façon de travailler, très surprenante.
Pour beaucoup de monde, la musique est une activité de loisir, une distraction. Mais peut-elle servir à autre chose ?
Elle peut servir à tellement de choses ! Pour moi, elle est tout d’abord un véritable langage à part entière : on la lit, on l’écoute, on l’écrit, on la “parle”. On peut donc la transmettre et elle est un vecteur social d’une immense richesse. La musique en soi n’est ni bonne ni mauvaise, elle est l’intention qu’on lui donne : elle peut être joyeuse, triste, agressive, légère, martiale, poignante, éreintante… mais incontestablement, elle nous rassemble et nous touche tous.
Jean-Claude Dequéant, le compositeur de « Libertine », nous a dit qu’il n’y a « rien de futile dans la Musique » : comment ressens-tu ce message, en tant que musicien ?
Je suis complètement d’accord avec lui. Les ondes sonores qui parviennent jusqu’à nos oreilles et qui nous font vibrer ont forcément un impact sur nous, même minime, donc effectivement, il n’y a rien de futile dans la Musique.
Je le perçois aussi comme une preuve de perfectionnisme chez ce grand Monsieur.
Tu es multi-instrumentiste et tu as choisi de jouer du violoncelle pour ce projet : pourquoi ?
C’est l’instrument le plus proche de la voix humaine. Je peux jouer des sons aussi bien graves qu’aigus, en passant par les médiums. C’est un instrument puissant, chaleureux, mélancolique, expressif et très complet. On peut aussi bien jouer une ligne de basse que des envolées lyriques dans le suraigu, en passant par des médiums généreux. C’était une évidence de le choisir pour ce projet.
Ce projet rassemble de très nombreux artistes : qu’as-tu pensé de cette collaboration pour le moins inattendue, jusqu’à Hollywood ?
C’est juste incroyable ! Le personnel soignant sétois et moi-même avons beaucoup de chance, et je pense que nous le savons. Je n’ai jamais vu un tel projet de ma vie.
Comme Gary GUTTMAN, qui a composé la musique pour la scène d’ouverture, tu as vu l’intégralité du film pour travailler dessus. Qu’en as-tu pensé ?
J’ai trouvé l’idée du jeu des erreurs sous forme de clip très intéressante et différente de tout ce qui a pu exister avant dans ce genre d’exercice.
C’est vraiment gratifiant de conclure ce film avec mon violoncelle en sachant que c’est un compositeur hollywoodien qui l’introduit !